1991

Publié le par yosemite.

Le déclic.
La bascule.
Comme le nageur en bout de ligne, soit c'est l'arrivée, soit la course continue.
Je reprends donc mon souffle à pleins poumons, je ne sais pas que la route est encore longue et c'est avec appétit et férocité que je fais la bascule.
Par où commencer ?
C'est vrai finalement, comme dans les courants artistiques traditionnels, on ne passe pas au 1er janvier 1901 du romantisme au roman moderne. Il n'y a pas de XXème siècle de la littérature mais seulement celui du calendrier officiel.
Alors que je me demande encore comment me faire de nouveaux amis, je remarque sur la trousse de mon voisin de cours d'Allemand, dès le premier cours ou presque, un New Order bavouillé au Typex. Heureusement, quelques années avant, j'ai passé des soirées Trivial Pursuit chez mes voisines avec Power, Corruption & Lies en fond sonore. Voilà un bon début. Sur ma trousse, c'est U2 (on ne se refait pas) au marqueur. Nous devenons presqu'aussi rapidement et avec son autre voisin les meilleurs potes du monde. Ils sont un groupe de 4-5 copains bien branchés musique ("Lui, c'est plutôt Cure") et je suis en attente de ces conditions de mon côté : parfaite alchimie. Et le projet de monter un groupe prend un peu plus forme.
Voilà quelques mois que je m'éveille au monde avec mon entrée au lycée : c'est grand, c'est presque la ville, y a des plus vieux, on peut faire presque ce qu'on veut !
Pourtant Petit Poucet au milieu de la forêt, il semblerait qu'il y ait déjà chez moi une certaine envie de me démarquer, vestimentairement, politiquement, musicalement.
Mon frère commence ou poursuit ses années punk et forcément je le suis : Sex Pistols, Clash, Peter & The Test-Tube Babies pour les anglo-saxons, Bérus, Ludwig Von 88, OTH pour les français (et Parabellum, Pigalle, Mano Negra etc.). Il y a pourtant dans ce mouvement-là quelque chose qui me repousse, ou plutôt je sens que ce milieu-là se met beaucoup trop en danger malgré mon admiration pour cette prise de risque. Je ne fume pas encore, n'aime pas spécialement boire et je respecte encore trop certains principes pour vraiment faire le pas. La menace même de trouver porte close en rentrant à la maison m'empêche de me faire couper les cheveux en crête.
A ma manière, et à cause de The Edge, j'ai encore ces cheveux longs qui me démarquent, des petites creepers rouges assez vite remarquables et bientôt un blouson réversible écossais.
En février 1991, c'est mon anniversaire (et pas qu'en 1991 d'ailleurs !).
Après avoir lu une ou deux chroniques, et alors que ma très rocknroll marraine cherche à m'offrir un cadeau adéquat, je propose le nouvel et premier album de Power Of Dreams.
En lieu et place, son jules de l'époque qui tient boutique de disques va me dégotter quelques vinyles qui bousculent : 1 maxi des Senseless Things (avec Cruella sur la pochette), 1 des Mega City 4, 1 album des Screaming Blue Messiahs et 1 Worst of des Hard-Ons.
Déclic.
On fait moins le malin, là.
Nous sommes bien loin de la gentille chanson acoustique de Power Of Dreams mais ces disques seront déterminants. Les deux maxis pour une certaine urgence pop-punk et le t-shirt de Ned's Atomic Dustbin d'un gars des M.C.4, le Screaming Blue Messiahs pour un rock'n'roll très racé (dont je ne me délecterai véritablement que plus tard) et les Hard-Ons pour la provoc' crasse.
Un mois après, et sur une plaisanterie douteuse d'un présentateur de Radio Canuts - radio libre et libertaire lyonnaise qui animera mes dimanches après-midi pendant 4 ans - je gagne une place de concert pour le premier choc de l'année : The Pogues, avec Shane McGowan svp. Souvenir mémorable à 15 ans.



En parlant de radio, c'est à ce moment-là que le second déclic improbable va se produire. Alors que je vais squatter la salle de bain vers 20h30/21h00 avant de m'enfermer dans ma chambre, un beau soir, sur la chaîne de radio programmée dans les lieux, des présentateurs propres sur eux parlent posément et le plus sérieusement du monde du nouvel album à venir de Noir Désir.
Cela fait quelques temps que cela anime le débat avec les copains et là je marque un point avec les extraits et les infos précises. Blocage.
Après une rapide enquête, la radio étant toujours réglée sur la même station, il s'agit de Bernard Lenoir sur France Inter et d'une fidélité sans faille ou presque durant les quatre années que je vais passer au lycée, soirées après soirées.

Le mardi 23 avril 1991 : premier concert de Noir Désir. Les bordelais jouent deux soirs au Transbordeur pour 80 Fr (12€ à peine les gars !!!) et hors de question d'échanger avec les potes qui se sont pointés le 22 au soir.
Tournée Du Ciment Sous Les Plaines.
Réputation sulfureuse de groupe de scène.
Meilleur concert de tous mes temps...
Et même d'après Serge Teyssot-Gay, un des meilleurs jamais donné par Noir Désir.
Helter Skelter pendant 1/4 d'heure.
Drunken Sailor.
Gloria.
Slam de Sergio.
Deux fois No no no.
Un solex (?), un skate-board.
Concert sans fin
Souvenir infini



Le lendemain mercredi, des petits malins diffusent à en pleurer des extraits, toujours sur Radio Canuts; dans la fatigue de l'après-midi, séquence émotion.

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P
Je faisais aussi partie de cette heureuse bande qui allait voir ce jour Noir Désir (1er concert aussi) et comme Chab le dis plus haut "une vraie claque" !<br /> Je me souviens du Solex, des lampes et d'un skate...
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Y
<br /> oui, il y avait bien un skate aussi !<br /> et "Sergio est au Brésil" quand il a slammé...<br /> et "Vous Ne Connaissez pas Jean-Paul, c'est le meilleur guitariste du monde...<br /> Appelez-le avec moi !" juste en intro de Gloria !<br /> <br /> <br />
C
oui!! le fameux épisode du solex, je m'en rappelle aussi!! Pour le baby foot, j'en suis pas sûr!! C'était pour moi le premier concert de ma vie et une vraie claque!! J'ai vécu d'ailleurs une expérience insolite ce soir là... on peut se déplacer d'un endroit à un autre sans forcément que nos pieds ne touchent le sol... On peut apparenter à une expérience mystique..
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Y
<br /> mon frère m'a fait de la place au milieu de la fosse pour que je puisse me déplacer les deux pieds par terre<br /> :-)<br /> mystique oui.<br /> <br /> <br />
D
j'étais aussi à ce concert et je les ai vus pleins de fois ensuite (notamment 3 fois en 1993) mais ce concert me semble être le meilleur effectivement<br /> je me souviens du solex, des lampes basses du genre que l'on trouve au dessus des billards pendant la chanson de la main et même d'un baby foot mais peut etre que ma mémoire déconne un peu là
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Y
<br /> on devait être aux mêmes en 1993 (2fois : transbo + Fourvière)... et je les ai vus 8 fois en tout.<br /> oui oui les lampes !!! (les mêmes que les Têtes Raides)<br /> que c'était bien !<br /> <br /> <br />
P
Merci pour ce moment de nostalgie de nos années lycée, saches que j'écoute en ce moment new order au taf, ça ne m'a jamais quitté, pour info ils ont remasterisé les albums avec CD2 bonus. <br /> <br /> le voisin du cours d'Allemand<br /> P.
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Y
<br /> Pour info, sache que je hante quotidiennement une certaine cavce orange où j'ai effectivement entendu parler de ces rééditions...<br /> merci de la visite !<br /> <br /> <br />
C
on y est!!! et c'est vrai, la vraie révolution a été Bernard Lenoir! Je te dois la découverte de la "vraie" musique grâce à l'écoute chaque soir de cette émission culte, on devrait lui faire une statue!!
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Y
<br /> je ne suis pas sûr qu'il soit assez beau pour une statue !<br /> et puis, il a tout piqué à John Peel non ?<br /> en tout cas, heureusement qu'il a été là à un certain moment c'est sûr !<br /> <br /> <br />